Le Maroc et son Sahara, trait d’union entre le continent européen et l’Afrique
D’éminents historiens, géographes et voyageurs avaient toujours considéré le Maroc et son Sahara, trait d’union entre le continent européen et l’Afrique, comme un berceau de civilisation Arabo-Amazigh qui a permis, grâce aux prolongement de ses racines nourricières en terre d’Afrique et son feuillage au Nord, la transmission de part et d’autre des cultures du savoir et des échanges commerciaux. Le professeur Théodore MONOD, directeur de l’institut français de l’Afrique Noire au début du siècle dernier, avait décrit cette position privilégiée en ces termes : « que l’on consulte dans l’Atlas africanus ou le vôlkerkunde von Africa, la liste des éléments culturels ayant, du Nord, atteint l’Afrique Noire et l’on saura combien il serait inexact de regarder le Sahara comme un gigantesque no man ‘s land séparant deux mondes totalement étrangers.».
La souveraineté marocaine sur le Sahara a été consacrée par des dispositions expresses de multiples conventions passées par l’Empire Chérifien avec des Etats étrangers.
Si l’on se reporte aux documents publiés à l’époque par Paris sous le titre des «Affaires marocaines ». On verra les doléances des officiers dont les colonnes, venant du Sénégal et du Niger, se heurtaient dans l’Adrar ou ailleurs, à des tribus dont les caïds étaient nommés par le Sultan. J’ai bien dit «doléances », car la France, selon son intérêt, contestait les droits du Sultan. Mais les tribus, qui suivaient ses caïds, elles, ne les contestaient pas.
a) Les conventions Internationales signées par le Maroc et contenant des dispositions sur la délivrance et la protection de marins, faisant naufrage sur les côtes de l’Oued Noun, montraient que le Sultan avait autorité sur les habitants des côtes de l’Oued Noun et au-delà, et que les pays européens signataires le reconnaissaient. Ces différents traités signés avec l’Espagne, les Etats-Unis et la Grande Bretagne tout au long des XVIIIème et XIXème siècle demandaient au Sultan d’assurer la protection et l’assistance de leurs ressortissants pêchant ou faisant naufrage sur les côtes de l’Oeud Noun et au-delà, et d’intervenir pour leur libération. Le Maroc pouvait en conclure que la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental était confortée par un faisceau d’accords de volonté internationale émanant de nombreux pays, y compris l’Espagne.
b) La convention Anglo-Marocaine du 13 Mars 1895 reconnaissait expressément la souveraineté marocaine sur toutes les terres allant de l’Oued Draâ au Cap Bojador et sur leur hinterland. Ce traité, qui remettait en cause la concession faite illégalement par le caïd Mohammed Beyrouk, autorisant l’homme d’affaire anglais Marckenzie à installer une station commerciale au Cap Juby et à détenir le monopole du commerce dans la région de l’Oued Noun, disposait dans son article premier «Après que le Maroc aura acheté le fond de commerce de la compagnie, aucune puissance ne pourra émettre des prétentions sur les territoires allant de l’Oued Draâ au Cap Bojador et à l’intérieur parce que ces territoires appartiennent au Maroc ». Concrétisant la volonté du Sultan, un Caïd marocain fut alors installé à Cap Juby à l’ancienne station de Mackenzie. Ce traité était le seul accord de la période coloniale qui fixait une consistance territoriale au Royaume du Maroc avec sa participation.
c) La correspondance diplomatique concernant l’application du traité de Tétouan de 1860 et le Protocole de Marrakech conclu en Juin 1900 relatif à la cession d’Ifni, montraient que l’Espagne avait reconnu la souveraineté marocaine allant jusqu’au Cap Bojador.
d) Enfin, les lettres annexes au traité Franco-Allemand du 4 Novembre 1911 affirmaient expressément: «Etant convenu que le Maroc comprend toute la partie Nord de l’Afrique qui s’étend entre l’Algérie, l’Afrique Occidentale Française et la Colonie Espagnole du Rio de Oro ». Ces lettres déterminent sans équivoque le contenu territorial de l’Etat Marocain et reconnaissaient que la frontière du Maroc allait jusqu’à Chenguit c’est-à-dire la Mauritanie.
Lors de l’examen de l’affaire du Sahara par le CIJ, le Maroc avait présenté des dizaines de textes et documents à caractère interne qui témoignent de l’exercice effectif, permanent, continu et paisible de la souveraineté par le Sultan sur les territoires sahariens.
Cette souveraineté était d’ailleurs reconnue par les principales puissances étrangères de l’époque. On peut, à titre d’illustration se référer aux accords maroco-espagnol de 1767, maroco-américains de 1786 et 1836, maroco-anglais de 1856 et 1895, franco-allemand de 1911, etc.
Ces fondements historiques et juridiques permettent de mieux appréhender les bases juridiques sur lesquelles repose le parachèvement de l’intégrité territoriale intervenue en 1975.
Les réactions soutenant le Maroc dans sa lutte pour le parachèvement de son intégrité territoriale:
En Algérie, l’association des Oulama sous la direction du Cheikh Mohammed kheïr Dine condamna l’attitude de Boumediene dans l’affaire du Sahara. Le premier président du GPRA, Ferhat Abbas dénonça le complot dans son ouvrage « l’Algérie, l’indépendance confisquée»:
«Le monde arabe qui doit faire face depuis 33 ans au tragique problème palestinien en connaît un autre, celui du Sahara occidental. Ce poignard planté dans le dos de la communauté maghrébine est la plus scandaleuse des aventures. C’est un crime perpétré contre l’unité et la paix nord-africaine»
«Quand Boumediene a attisé un incendie au Maghreb, qu’il a fait tuer des algériens pour une cause qui n’est pas la leur, qu’une partie des richesses se sont envolées en fumée dans les sables du Sahara, comment a-t-il pu parler de l’unité de la «nation arabe» alors qu’il n’a pas été capable d’oeuvrer pour faire l’unité du Maghreb»
Le premier président de la république Algérienne Ahmed Benbella: «Du point de vue Historique, le Sahara Occidental est le prolongement historique du Maroc. Toutes les dynasties marocaines ont eu des liens avec le Sahara
L’Algérie n’a aucun intérêt à faire éclater le Maroc. La solution du problème se trouve pour moi, dans la formation d’une sorte de fédération ou confédération nord-africaine, à laquelle peuvent adhérer l’Algérie et la Mauritanie. Une sorte de grand Maghreb » (l’Opinion —24janvier 1987)
En Espagne, Beaucoup de voix se sont élevées pour exprimer leur solidarité avec le peuple marocain pour la réalisation complète de son unité territoriale. Le parti communiste espagnole avait publié à l’époque sur les colonnes de la Nuestra Bandera en mars 1958, un communiqué dans lequel il déclarait: «La conséquence la plus grave de cette politique colonialiste, hypocrite, est la guerre d’Ifni et des territoires sahraouis. Les habitants de ces territoires ont plusieurs fois manifesté leur volonté de conquérir leur liberté et de réintégrer leur mère patrie ». L’écrivain Juan goytisolo (prix éxopalia) écrivait sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation: «Le dogme de l’intangibilité des frontières coloniales, appliqué à la lettre, aurait donc consacrer l’existence, sur le sol marocain, d’une demi-douzaine d’entités indépendantes : un Etat rifain dans la zone du nord de l’ancien protectorat espagnol, un autre dans la ville libre de Tanger, un troisième dans le protectorat français, un quatrième à Sidi Ifni, un cinquième à Tarfaya et un sixième dans le Sahara Occidental ».
On ne peut parler de l’affaire du Sahara sans se rappeler de cette réflexion du regretté Michel Jobert : «dans toute cette affaire planent deux logiques: ou bien les ressources sahariennes servent au développement des populations du Nord, nombreuses et peu favorisées. Alors le Maroc n’a pas tort. Ou bien l’unité de la zone saharienne, dans ses ressources et ses populations, est reconnue: il faut alors revoir toutes les frontières et accepter la création d’un Etat riche, peu peuplé, très étendu ».
Conclusion
Le problème du Sahara est en dernier ressort, un problème politique. Mais l’action politique qui se veut efficace, qu’elle se propose d’ailleurs de renforcer l’ordre établi ou d’en changer les bases, doit prendre absolument sur les données que l’histoire a crée. Si «problème politique » signifie que chacun choisi selon sa couleur ou sa doctrine politique, l’histoire devrait nous mettre en garde. L’affaire du Sahara dans son essence, n’a rien à voir avec la forme des institutions marocaines. C’est l’intérêt profond et durable de tout un peuple qu’elle met enjeu.
La marche verte qui fut une étape de l’histoire marocaine un moment de la conscience d’un Roi et d’un peuple, est pour l’historien la preuve qu’ils seront toujours là, prêts à jouer, le réflexe unitaire qui, pendant les siècles passés, a soudé pour la survie, le peuple marocain et son trône.