Y’a t’il un «peuple sahraoui» avant 1975 au sahara marocain?
Les populations vivant dans le Sahara marocain sont variées et diverses; leur sédimentation s’effectue par la religion et la marocanité.
Historiquement, politiquement, linguistiquement, culturellement, ethniquement et racialement il n’existe pas de «peuple sahraoui». En revanche, l’immense désert du Sahara, partagé entre le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Tchad, le Niger, le Mali, et la Mauritanie, a toujours été occupé par des populations parfaitement identifiées et irréductibles les unes aux autres. Les populations sahariennes ont été rattachées plus ou moins arbitrairement en même temps que leurs zones de normalisation. Seul le Maroc et ce, depuis le Xlème siècle, avait unifié les fractions de ces populations vivant dans la partie du Sahara qui était sous sa souveraineté.
Plus encore, la plupart des tribus du Sahara marocain ont elles-mêmes des attaches avec le reste du Maroc et leurs ancêtres ou fondateurs sont venus de l’intérieur de pays. Ce furent en général des marabouts (saints) illustres comme Sidi Ahmed Rguibi, neveu de Moulay Abdelslam Ben M’chich, le grand marabout des débuts de l’Hégire, dont le tombeau se trouve près de Tétouan ou Sidi Ahmed Laroussi, originaire de Marrakech et fondateur des Larroussiyine.
Les populations du Sahara marocain sont divisées en une vingtaine de tribus bien individualisées qu’il est possible de regrouper en deux grandes confédérations, celle des Rguibat et celle des Teknas.
Les descendants de Ahmed Rguibi venant de Touat se sont installés vers 1503 dans la vallée du Draâ où il fonde une zaouia qui va bientôt s’étendre à toute la Saquia el Hamra.
Au début du XVIIIème siècle, le Sultan Alaouite Moulay Ahmed Dehbi confirme aux Rguibat la possession de la Saquia El Hamra et, à partir de ce moment là, ils commencent un lent mouvement d’expansion vers l’océan.Un brassage s’opéra rapidement entre les diverses populations locales. C’est ainsi qu’Ahmad Rguibi épousa une Arabe dont il eut deux fils qui donnèrent chacun naissance à un clan: Ah aux Rguibat Sahel et Kacem aux Rguibat Igouacem ou Charg. D’une épouse noire il eut un autre fils, Amer qui est l’ancêtre des Rguibat Ouled Cheikh et Ouled Taleb.
Le second grand groupe de tribus vivant dans le Sahara marocain est constitué des Teknas, Berbères sahariens à l’origine mais dônt certaines tribus furent arabisées à partir du Xlème siècle. Le centre politique des Teknas est l’oasis de Goulimine et ils sont composés de douze tribus dont les origines berbères ou arabes sont parfaitement connues. Parmi elles, plusieurs ont des origines clairement fondées dans le Maroc septentrional. Ainsi les Izarguiyine venus de la région comprise entre Sidi Ifni et Tarfaya; les Laroussiyine qui sont originaires de Marrakech; les Ouled Dhim, tribu arabe hymyarite qui a commencé par se fixer dans la région d’Essaouira et de Meknès avant de venir s’établir plus au sud et dont une partie réside encore dans le Maroc septentrional; les Ouled Tidrarine qui ont pour fondateur Sidi Ahmed ben Ghandour né à Ouezzane au nord de Fès ; les Filali enfin viennent du Tafilalet.{mospagebreak}Toutes ces tribus n’ont jamais constituées un peuple dont on a vainement cherché son existence dans l’histoire. Un peuple, c’est une réalité bien trop massive pour qu’on puisse la cacher dans sa manche. Il se remarque, il se distingue des autres peuples par l’espace occupé, ou par sa langue, ou son passé, ou ses institutions, ou son niveau de développement, par le poids dont il pèsequelque fois sur autrui. Quand avant 1912, un marchand ou une caravanier voyageaient du Nord du Maroc vers le Sud, ils n’avaient de frontière à traverser, nul passeport à produire, pas de douane à payer, pas de monnaie enfin à échanger. Alors, ou donc était dissimulé ce peuple sahraoui, où étaient ses frontières son repaire. Quoique fort bien placés pour avoir longuement occupé la région, les espagnols eux-mêmes ne l’ont pas découvert. Car autrement, pourquoi n’auraient ils pas argué de l’existence dudit peuple sahraouis, seul vrai maître du pays lorsque naguère, ils contestaient le droit des marocains? Mais non, leur unique argument fut de dire qu’avant leur arrivée, eux espagnols, le Sahara était «Terra Nullus», autrement dit terre de personne. Les espagnols, il y a, soixante quinze ans se sont adressés en 1900, au Sultan pour tenter d’obtenir qu’il leur cédât la Saquia El Hamra. Ils se sont adressés au Sultan, et non pas àje ne sais quel peuple sahraoui censé faire aujourd’hui, valoir des titres ancestraux sur Saquia El Hamara.
Qu’ils soient Rguibats Sahel, Ouled Dlim ou Teknas, Reguibats Lgouacem, Atattasou Kountas ou Chambas, les sahraouis sont tous des musulmans sunnites de rite malekite, le Sultan Amir E! Mouminin, Sidna, est leur fédérateur. Ils le voient à cheval sous un parasol signe de proximité avec Dieu. Les Khotbas du vendredi et à l’occasion des fêtes religieuses après les implorations de Dieu et la prière et le salut dû à Sidna Mohammed. Les fidèles au Sahara prononçaient cette prière « que Dieu glorifie Sultan et pacifie E! Watan ». Aujourd’hui devise sacrée « Dieu, la Patrie, le Roi ».
Les zaouias, ou centres de renouveau islamique se multipliaient dans le Sahara marocain au XVIème siècle et ils naissent dans une ambiance de guerre sainte et d’identité religieuse. La plus importante est la zaouia Maa El Ainin à Smara. Cette zaouia a été fondée par le Chérif Ma El Aïnin de Chenguet les Sultans Moulay El Hassan et Moulay Abdelaâziz avaient pour lui le plus grand respect et le renvoyaient chargé de présents à chacune de ses visites à la cour. Un courant de pensée soufiste a régné au Sahara et qui s’est propagé jusqu’auNord tel qu’il est rapporté dans l’encyclopédie coloniale et maritime l’Algérie et le Sahara «on trouve ceux-ci (les Soufistes) dans presque toute la campagne algérienne. La plupart se prétendent d’origine chérifienne et déclarant venir d’un pays fabuleux du sud marocain appelé Sakiet cl Hamra » le ruisseau rouge.{mospagebreak}Entre 1795 et 1842 sous le règne des Sultans Moulay Slimane et Moulay Abderrahmane, en raison des iniquités de certaines exactions et de mauvais procédés envers les pauvres gens commis par des agents du Makhzen, le pouvoir central sûr de l’adhésion des populations et de leur attachement à l’intégrité territoriale décide d’accorder l’autonomie à certaines régions lointaines. Cependant l’octroi de l’autonomie ne signifie pas abandon des habitants à leur sort. Une correspondance régulière est échangée entre le Sultan et les gens de ces régions ; celui-ci intervient dans les différends entre les tribus, et lorsque commencent à se préciser les menaces européennes, le Sultan recommande aux habitants d’être « comme une seule main contre les entreprises du dehors », et de s’abstenir de commercer avec les étrangers. Ces menaces ont, par contre coup, resserré les liens entre le Makhzen et les provinces sahariennes. A chaque intervention, les habitants envoient des députations auprès du Souverain pour exprimer leurs doléances et obtenir des renforts. Le Sultan tout en calmant les habitants, ne manque pas de protester contre ces interventions, de demander des explications et d’affirmer sa souveraineté sur ces territoires. Cette souveraineté, pourtant irréfutablement établie, les puissances coloniales la contestent. Pour camoufler leurs visées, elles prétendent que le Sahara est une région inoccupée, inorganisée et ne relevant de personne. En fait l’intérêt que-l’Europe et particulièrement la France et l’Espagne portent au Sahara est multiple.
Pour la conquête du Sahara, la France jouit de conditions particulièrement favorables. La délimitation de la frontière telle qu’elle a été arrachée par le traité de Lalla Marhnia (mai 1845) est incomplète. Pour justifier son intervention à Ifhi, l’Espagne invoque ses traités avec le Maroc, particulièrement le traité de 1767 concédant aux Espagnols «depuis Santa Cruz jusqu’au Nord… le droit exclusif de pêche » et l’article 8 du traité de 1860. Malgré les efforts du Sultan de racheter la concession, et malgré l’échec des deux commissions mixtes maroco-espagnoles chargées en 1878 et 1883 de reconnaître l’emplacement de Santa Cruz, l’Espagne continue à réclamer «la rade Ifni entre l’Oued Noun et Agadir» et fait admettre son point de vue à la France dans l’accord franco-espagnol de 1904.
Après l’échec diplomatique du Marne, et bien que la conférence de Madrid réunie du 19 mai au 3 juillet 1880 garantisse l’intégrité du territoire marocain, c’est à une véritable mutilation de celui-ci que vont s’atteler les puissances coloniales en s’attaquant d’abord aux provinces sahariennes.
Pour asseoir leur autorité et l’exercice de la souveraineté sur les territoires sahariens, les Sultans se déplaçaient eux-mêmes dans les territoires du Sahara comme en témoignent, par exemple, les expéditions effectuées en particulier par les Sultans Moulay Ismail et Hassan I, en vue de contrecarrer les visées étrangères sur le Sahara.
La mort du Sultan Moulay Hassan a produit une extraordinaire émotion dans toutes les chancelleries de l’Europe. Le journal la République Française écrivait dans son édition du 13 juin 1894 «la disparition de nul autre souverain du monde civilisé n’eût causé assurément un effet comparable à celle de ce Chérif marocain, chef politique et religieux d’un empire sur fondations ruinées, mais qui détient à l’occident les clefs de la méditerranée. ». Dans le journal Semaphone de Marseille du 12 juin 1894 son correspondant écrivait «une nouvelle qui a causé la plus vive surprise est celle de la mort du Sultan du Maroc Moulay Hassan avant d’ajouter que ce malheureux événement a crée un Etat politique au Sahara Occidental convoitée par l’Angleterre car il existe aux environ du Cap Bojador et au Cap Juby des comptoirs anglais. ». Dans le mêmearticle, on peut lire également que ce grand Sultan a maintenu énergiquement sa domination à l’intérieur et au Sahara et a failli même contourner les possessions françaises en Algérie ». C’est certainement ces craintes européennes de convulsion sociale et de crise politique précipités à l’occasion de la disparition de se grand Souverain, qui ont accélérés le processus de colonisation de l’ensemble du Maroc au Nord et au Sud.{mospagebreak}En dépit du partage du Maroc, à partir de 1912, en trois zones (française, espagnole et internationale), le protectorat n’avait pas effacé les liens unissant les populations de ces régions avec la monarchie marocaine qui ne cessera pas d’incarner l’union nationale et la volonté de se libérer de l’occupation étrangère. A ce sujet, il est important de rappeler l’hostilité de la résistance des populations marocaines, en particulier au Sahara qui avaient empêchés les autorités du protectorat espagnol d’exercer une souveraineté effective sur l’ensemble du territoire saharien, et ce jusqu’en 1934-36. Du reste, l’Espagne n’avait pu étendre sa présence dans l’hinterland qu’à la faveur de la conquête de la France, en 1934, de la ville marocaine de Tindouf et la jonction entre troupes françaises d’Afrique du Nord et de Mauritanie; ce qui avait permis de briser alors la résistance des populations sahraouis.
Néanmoins, ces marques de résistance continueront à ce manifester épisodiquement, notamment lors de la déposition par la France du Sultan Mohammed V, en août 1953, et au moment de la proclamation de l’indépendance du Maroc en 1955-1956. Elle reprendra sous une autre forme organisée et massive à partir de 1957. Et il avait fallu une mobilisation des armées française et espagnole, dans le cadre de l’opération dite « Ecouvillon », pour défaire cette résistance et permettre à l’Espagne de continuer à occuper le Sahara.
L’exercice de la souveraineté marocaine sur le Sahara se manifestait également à plusieurs niveaux, aussi bien en ce qui concerne la nomination de responsables locaux (nominations de cadis, de caïds et gouverneurs responsables) de la définition de leurs missions, la levée d’impôts ou de tributs, l’allégeance au Sultan des chefs de tribus, la mobilisation des populations à l’appel du Sultan pour lutter contre la pénétration étrangère.
De son côté, l’Espagne avait au moins jusqu’en 1956, tenu compte des liens du Sahara avec le reste du Maroc en faisant relever ce territoire de l’autorité civile et religieuse du khalife du Sultan dans la zone Nord que la convention franco-espagnole du 27 novembre 1912, instituant le sous- protectorat espagnol sur le Maroc, avait instauré dans la zone d’influence espagnole l’exercice de cette autorité khalifienne est attesté par de multiples actes que le Maroc avait en son temps, présenté devant les instances internationales.
Dès lors que le Maroc accéda à l’indépendance, en 1956, sur une partie de son territoire, il n’a cessé de revendiquer le droit de parachever son intégrité territoriale. Ainsi en ce qui concerne le Sahara, la demande marocaine de rétrocession de ce territoire par l’Espagne a été permanente depuis 1956.
Parmi les manifestations de la volonté marocaine de récupérer le Sahara dès l’aube de l’indépendance, on pourra rappeler l’important discours prononcé par feu Mohammed V le 25 Février 1958 à Mhamid Elghazlan : «Nous proclamons solennellement que nous poursuivrons notre action pour le retour de notre Sahara, dans le cadre du respect de nos droits historiques et conformément la volonté de ses habitants. Ainsi nous accomplirons la mission que nous nous sommes engagé à remplir, et qui consiste à restaurer notre passé et à édifier un avenir prospère qui permettra à tous nos sujets de connaître le bonheur et la tranquillité ». Cette revendication a été reprise et amplifiée par Feu Hassan II qui, déjà en septembre 1961, avait réaffirmé devant la conférence au sommet des non-alignés, les droits du Maroc sur le Sahara. Par ailleurs au moment de son adhésion à la charte de l’OUA, en 1963, le Maroc avait émis une réserve à propos de son intégrité territoriale et affirmé son droit de parachever celle-ci. Après avoir récupérer Tarfaya en 1958 et après avoir vainement chercher à régler le contentieux territorial sur Ifni et le Sahara, le Maroc avait été conduit à soumettre ces questions aux Nations-Unies qui, déjà à l’époque avaient commencé à mettre en place une politique et des règles de décolonisation. Fort de ses titres sur les portions de territoire encore sous domination espagnole, le Maroc allait requérir le bénéfice de ce droit à la décolonisation et l’application des règles et procédures de ce droit. La marche verte fut incontestablement un acte politique ayant sa place dans un processus en cours depuis de longues années dans l’enceinte des Nations Unies.